Juin 2018, le Seed Tour Sénégal touche à sa fin. L’idée de rester les bras croisés au bar/restaurant de la plage des Mamelles à Dakar me tentait bien, mais une nouvelle aventure m’attendait au nord du Sénégal.
C’est Ousmane Aly Pame, fondateur et président du REDES, Réseau pour l’Emergence et le Développement des Ecovillages au Sahel, qui me parle d’un petit village le long du fleuve Sénégal, frontière naturelle entre le Sénégal et la Mauritanie, dont la population se nourrit quasi exclusivement des aliments produits sur place, fait fonctionner un jardin de plantes médicinales, et reproduit ses graines. Ce village, c’est Guédé Chantiers, premier écovillage du Sénégal, pionnier en matière d’implication de la population dans le développement écologique et social du village, et surtout exemple réussi de lutte contre l’exode rural : à Guédé Chantiers, il paraît que les jeunes restent.
Ousmane Aly Pame vous le connaissez déjà ! Vous avez entendu sa voix à maintes reprises dans Graines au Sénégal : Contexte, et dans Grand Format : Priorité, Formation.
J’embarque donc dans le Sénégal Dem Dikk, littéralement « Sénégal partir revenir » en wolof, bus local qui m’emmènera de Dakar à Ndioum en 11h, en passant par Thiès, Louga, Saint-Louis et Richard Toll.

Ndioum, terminus, les 10 passagers restants dont mon sac et moi, sur les 60 initialement embarqués à Dakar, descendent du bus climatisé dans une ambiance qui leur semble familière mais qui est pour moi incroyable : tout est ocre. Il reste quelques semaines avant la mousson, l’air est lourd, le ciel voilé, il fait 45 degrés à l’ombre, il y a du sable partout, et l’activité est quasi-nulle puisque j’arrive en plein mois de Ramadan.
Après 15 minutes durant lesquels de nombreuses personnes me demandent ce que je fais ici et si j’ai besoin d’aide, c’est finalement un ami d’Abdoulaye, le frère de Ousmane qui vient me chercher pour m’emmener à Guédé Chantiers.
Au fur et à mesure que nous parcourons les 15 derniers kilomètres, le paysage change, la couleur verte et les animaux réapparaissent, les rizières s’étendent à perte de vue… il y a de l’eau : nous nous approchons du mythique fleuve Sénégal.

Ici, la population est en majorité Peul, une ethnie nomade d’éleveurs, dont les membres sont présents dans toute l’Afrique de l’Ouest, de la Mauritanie au nord du Cameroun. On ne dit donc pas « Salam Aleykoum » pour saluer, mais plutôt « Badda ! ».
Ousmane Aly Pame a été maire de Guédé Chantiers de 2009 à 2014. Toute sa famille vit là-bas, et je suis accueillie à bras ouverts ! Sieste, rupture du jeûne, dîner, et Assane Diop me prend sous son aile pour me faire faire le tour du village. Il est né ici, et a épaulé Ousmane dans toutes ses actions pour transformer Guédé Chantiers en écovillage. Il en connaît toute l’histoire, et alors que nous marchons, la nuit tombée, à travers le village, il me raconte :
Chaque quartier de Guédé Chantiers a un jardin maraîcher (une petite pensée pour les organopónicos cubains !), géré par les femmes, qui ont été formées sur place à reproduire leurs graines, et à cultiver sans pesticides. Cela leur permet de faire des économies sur leurs courses alimentaires, d’éviter de faire des kilomètres jusqu’au marché, et surtout de maintenir la famille en bonne santé.
Et ça, selon Assane, elles l’ont bien compris :
Aujourd’hui Ousmane Aly Pame n’est plus maire de Guédé Chantiers, et la dynamique d’écovillage s’essouffle, par manque de financements et de volonté politique. Assane, la famille Pame et les résistants de Guédé Chantiers ne baissent pas les bras ! Il faut faire vivre cette oasis de verdure dans le Sahel, il faut continuer à cultiver son jardin.
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