Impressions Mexicaines — Mexico City

Campeche 365, Hipódromo, 06100 Ciudad de México, CDMX.

Aujourd’hui, ça fait 15 jours que je suis au Mexique. J’ai visité, rencontré, fêté, mangé, travaillé, dansé, fait les courses, parcouru la ville de México et quelques pueblos alentours. Je vous livre mon premier regard frais et naïf qui va bientôt considérer les tamales, agua de jamaïca et autres nopales comme des compagnons du quotidien.

Comment des gens si différents peuvent-ils s’entendre ?

J’habite chez Jérôme dans la Condesa, à l’égal d’autres amis français, comme Valentin, François et Simon. Ici, les restaurants vegan font fureur, on trouve du savon du Dr Brommer, les Uber arrivent en moins d’une minute et les cafés s’appellent “La Bohème” ou “100% natural”. En tant que fervente habitante du 18ème arrondissement de Paris, je ne suis pas dépaysée.

Pourtant, quand on met en perspective la Condesa, on se rend compte que le quartier ne représente que quelques rues de l’immense Mexico City :

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La carte de Mexico City éditée plus ou moins arbitrairement sur Paint

Un peu d’histoire pour bien comprendre la diversité des quartiers de Mexico : la ville est construite sur un lac, entouré de montagnes. Le quartier historique s’appelle de façon classique el Centro, dont le Zocalo (la place centrale) est connue à travers cette image :

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La cathédrale de Mexico City sur le Zocalo

D’autres petites villes bordaient le lac comme Coyoacán ou Xochimilco. Plus la ville a concentré d’habitants, plus elle s’est étendue sur le lac jusqu’à le recouvrir complètement aujourd’hui. La Roma, la Condesa font partie de ces nouveaux quartiers dont les fondations ont été posées sur l’eau, ce qui en fait un quartier très affecté par le tremblement de terre de Septembre 2017.

Xochimilco par exemple est un quartier complètement différent. J’y ai passé deux jours avec les chinamperos, paysans travaillant une terre particulière appelée “chinampa” (bientôt la vidéo sur le blog).

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Dario, Iván & Olinca — Familia chinampera

Il faut 1h en taxi, sans circulation, pour rejoindre cette zone. Ces habitants sont des citoyens de Mexico City, à l’égal de ceux de Tlatelolco, où les immeubles de 40 étages sont habités jusqu’au 20ème car il est trop dangeureux d’habiter plus haut depuis le séisme de 1985. Les réalités culturelles, sociales et économiques de ces quartiers sont tellement différentes que la ville est très difficile à gérer.

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Immeubles à Tlatelolco

Donc chacun se gère et ça se passe… dans la rue ! Tu as quelque chose à vendre ? Installe-toi ! A Mexico City, en 2015, 60% de la population active travaille dans le secteur informel qui fournit 25% du PIB.

« Si tu veux conquérir, il faut savoir danser »

Dans la rue, on écoute de la musique, on danse, comme à la Pata Negra qui donne des cours de salsa tous les mercredis soirs. Quand Perla nous y emmène, on s’attendait à une salle pleine d’américains et d’européens venus goûter à la douceur de la salsa. On est finalement arrivés dans une salle bondée de mexicains autant hommes que femmes séparés en 3 groupes (débutants, intermédiaires, experts) qui nous demandent depuis combien de temps on prend le cours. Certains sont là depuis des mois, tous les mercredis soirs ! La salsa est cruciale. En d’autres termes, si tu ne danses pas, difficile de trouver un partenaire de vie ! Avec nos mouves d’européennes Nadia et moi, on sait déjà qu’on ne sera pas choisies.

A partir de 23h, le cours de salsa est fini, le concours du meilleur danseur aussi et la musique traditionnelle laisse la place au reggeaton. En ce moment, je connais par coeur Felices los 4 de Maluma. Si vous avez déjà été au Mexique, vous connaissez aussi probablement le norteño, la bachata ou encore la cumbia !

Entre traditions…

Je n’ai pas rencontré un mexicain qui ne m’a pas parlé du Día de los Muertos, de la fondation de la ville de Mexico City lorsque les Aztèques, peuple nomade, s’est arrêté pour fonder la ville à l’endroit où l’aigle dévorait un serpent, symbole national qu’on retrouve sur le drapeau.

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Pyramide de la Lune à Teotihuacan, cité centrale de l’empire Aztéque habitée de -200 av JC au VIIème siècle

J’ai vécu l’expérience quasi-mystique du Temazcal avec Ana et Roland, 2h dans un igloo de pierre dans le noir chauffé à 50°C à la vapeur, mélange d’herbes, de fruits et de chants, à faire une fois par mois pour purifier son corps… et son âme.

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Nadia qui annonce le début du rite du Temazcal

Les couples de gens de mon âge ne vivent pas ensemble s’ils ne sont pas mariés, et les femmes avec enfants dont le mari est parti, restent seules le reste de leur vie.

…et attrait pour les Etats-Unis.

L’homme est fait de contradictions. Le mexicain aussi. Face à l’amour de leur pays et de leur culture il y a Chicago, Los Angeles, San Francisco, San Diego, Austin, Houston, et même Seattle, le rêve américain. L’argent se montre, via les voitures, les photos des voyages en Europe, savoir parler anglais, avoir été scolarisé dans le privé et l’histoire de cette fille, qui a quitté sa famille il y a 10 ans pour les Etats-Unis, qui s’est mariée et qui a maintenant la green card.

Certains disent que Trump est une opportunité pour le Mexique. La fermeture des frontières ralentira la fuite des cerveaux aux Etats-Unis, diminuera les échanges commerciaux et favorisera la production locale et les échanges avec les pays d’Amérique Centrale et du Sud. La fin du regroupement familial signifie pour d’autres l’impossibilité de rejoindre leurs enfants, et le visa qui s’envole. Au Mexique si tu rates, ce n’est pas grave, tu pourras émigrer. En 2017, las remesas (l’argent envoyé par les émigrés mexicains à leur famille au Mexique) représentent 27 milliards de dollars, soit 2,6% du PIB mexicain.

« Vous les français, vous mangez 3 fois par jour. Nous on mange quand on a faim. »

Si une chose n’a pas encore été atteinte par la culture estadounidense ici, c’est bien l’alimentation. Et quelle chance ! La gastronomie mexicaine est très variée, en 15 jours je pense en avoir découvert 10%. Elizabeth Palacios m’a emmené faire le tour du Mercado de la Merced, le plus grand marché central de Mexico city. A ne pas confondre avec la Central de Abasto, le Rungis d’ici, réservé aux professionnels.

Le maïs est à la base de tout. Et pour une fois, on parle de maïs de toutes les couleurs ! Les tortillas sont blanches, jaunes, bleues, vertes. On les mange avec tout, c’est le pain local. L’eau du jour (agua del día) est aromatisée à l’hibiscus, à la cannelle, à la betterave, à la coco.

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Maïs natifs du Mexique, conservés par la Organización Tortilla de Maíz Mexicana

Au Mexique on se lève tôt, à 6h30 toute la coloc est debout. Il faut prendre un bon petit-déjeuner pour tenir jusqu’au déjeuner qui a lieu entre 14h et 16h. “Alors tes tartines et ton croissant tu oublies, je sais comment vous prenez votre petit-déjeuner vous les français” me dit Leticia Rayas. Ok, je prendrai donc un croissant fourré au fromage et au jambon avec des papas et du piment.

L’heure, c’est pas l’heure

Besaí est à la tête d’une entreprise d’export de légumes mexicains. Je prévois ma visite dans son entreprise, combien de temps je reste ? “Si terminamos el miércoles, solo el miércoles y si necesitamos vernos el jueves, nos vemos el jueves”. Est-ce que j’ai besoin de traduire ?

“J’ai une heure à te consacrer”, 3 heures après, j’apprends qu’un rendez-vous réussi est un rendez-vous qui dure… longtemps. Alors on oublie la règle des réunions de 45 minutes inculquée chez Malt et on apprend à lâcher Google Calendar. On apprend à dire “dame 2 minutos” quand on arrive dans 10 minutes. C’est ce qui est le plus difficile pour moi ici, mais finalement, c’est peut-être ça, la vie.

Demain je quitte la ville de México, direction la région de Oaxaca, sa route du mezcal et ses spécialités oaxaqueñas. Je m’attends à un Mexique tout à fait différent, celui que je quitte me manque déjà.


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