Impressions indiennes

Mercredi 21 novembre 2018, Pune, Maharasthra, Inde

Imaginez : on qualifie votre pays de « sous-continent », il concentre 1/6ème de l’humanité et dénombre presque autant de dieux. On y trouve des jungles impénétrables, des zones tribales, certaines des montagnes les plus hautes du monde, des déserts, des éléphants, des tigres, des ours, des arbres millénaires, des plantes et des oiseaux multicolores.

Vous avez votre propre industrie cinématographique, musicale, vos arts, votre cuisine, vos voitures, votre structure sociale unique au monde, votre langue morte, votre langue vivante, et plus de 234 autres langues locales et une douzaine d’alphabets ce qui fait de la majorité d’entre vous sont nés polyglottes. Si vous habitez à l’extrême sud de votre pays, il vous faudra 3 jours pour rallier votre capitale en train.

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Le clip vidéo de Vachinde, chanson extraite du film Fidaa, comptabilise plus de 164 millions de vues sur YouTube

J’ai voyagé 43 jours en Inde du Sud, du Kerala au Maharashtra en passant par le Tamil Nadu, le Karnataka et Goa (retrouvez mon itinéraire ici). Je vous partage mon ressenti.


En Inde il y a du monde. Ou plutôt il n’y a jamais personne. Toujours quelqu’un pour aider, toujours un rickshaw disponible, on n’attend jamais. La vitesse frappe, au sens propre comme au sens figuré ! Pas de code de la route, pas de feux rouges, tout le monde fonce et pourtant ça roule. Le klaxon respecte un code bien précis, qui veut autant dire « attention je passe » que « vas y je te laisse passer ».

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Dans le rickshaw le plus calme de Mumbai, Maharashtra

L’Inde est le pays avec le réseau ferroviaire le plus développé du monde. Dans une gare, demandez un ticket pour votre prochaine destination. Dans mon cas, souvent éloignée, en zone rurale, et hors du circuit touristique ; on m’a rarement dit qu’il n’y avait pas un train direct pour m’y rendre. Si toutes les villes indiennes sont reliées par un train direct, alors le train indien devient lieu de contemplation.

Entre 30 et 40 km/h en moyenne, Bangalore — Hospet, 350km, 13h, les paysages défilent. On a le temps d’apprécier, de partager à manger et à boire avec nos voisins et d’engager la discussion. J’y rencontre par exemple Lini, keralaise, et son petit ami d’Hyderabad (Telangana). Leurs familles sont trop différentes, ils ne pourront jamais se marier. Dans la pratique ils n’ont même pas le droit d’être ensemble. De toute façon il n’est pas question d’aller plus loin. Lini part dans un mois vivre à Dubai, elle y sera infirmière et gagnera environ 3000 euros par mois, quand en Inde elle en gagnerait 500.

Ouvrez grand les yeux, les oreilles et les narines, le train entre en gare, Varkala, Kerala

La femme indienne, ce mystère. Probablement la femme avec la garde-robe la plus variée du globe. Jean pour sorties branchées à Bombay, saree traditionnel pour réunions familiales, et tunique manches longues qui descend en-dessous du genou, legging assorti pour le quotidien. C’est la femme bac +5 à qui on impose le mari. C’est la femme qui sait contre quoi elle peut se battre, et avec quoi elle doit composer.

Cette femme-là, qui qu’elle soit, elle accueille ! Dans sa ville, dans sa maison, l’étranger est le bienvenu, objet de toutes les curiosités. Avoir la chance d’être invité dans une famille indienne hindoue, c’est découvrir des familles de 30, 40 personnes qui vivent ensemble, s’échangent les recettes et les ingrédients, prient ensemble et régissent leurs relations par des règles bien définies.

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Séjour dans la famille de Soumya, Hospet, Karnataka

Spiritualités, croyances, religions, régions, langues, cultures, tout sépare a priori les indiens. Pourtant contre toute attente, il existe un sentiment national fort, une fierté d’appartenir à un peuple dont l’histoire millénaire et le glorieux présent (l’Inde est la 3ème puissance mondiale en parité de pouvoir d’achat) ne manqueront pas d’être vantés et racontés à qui voudra bien l’entendre. Si l’histoire indienne a été marquée par de violents conflits religieux, j’ai plutôt ressenti la paix dans chaque personne.

« Shanti », ça veut dire la paix en hindi. En Inde, on développe la paix intérieure. Quelque chose vous frustre ou ne vous convient pas à l’extérieur ? Vous attendrez que la situation se débloque d’elle-même et tenterez de trouver la paix en vous. La méditation et le yoga, tant à la mode dans nos sociétés pour leur aspect bien-être, sont accompagnés ici d’une spiritualité forte. Chaque geste a une signification, qui vise à trouver la paix, à faire le bien. C’est le karma : plus tu alimentes ton compteur de bonnes actions, plus tu attireras le positif sur toi.

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Temple hindou, Hampi, Karnataka

En Inde on mange avec les mains. On dit que ça nous rapproche du goût des aliments car il n’y a pas de matériau entre la nourriture et les papilles. C’est beau ! Ca aide aussi à ne pas se brûler la langue, car si c’est chaud, on se brûle déjà les doigts. Pour déchiffrer un menu, il faut quelques semaines d’expérience, et si vous changez de région, il faut tout reprendre à zéro. Alors faites moi confiance, si vous allez en Inde du Sud : masala dosa et banana lassi au petit déjeuner, aloo gobi accompagné de parathas ou riz curd au déjeuner, et si vous avez encore faim pour le dîner, un thali ne vous fera pas de mal.

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Le fameux Thali d’Inde du Sud, Auroville, Pondichéry

Les indiens ne sont pas là pour beurrer des tartines. Ici on fait du business, on fait carrière, bref on se bouge. L’entrepreneuriat dans les veines, le mythe du self made man importé des meilleures universités américaines fait fureur. Mode d’emploi pour réussir : surtout, quitter la campagne, faire une école d’ingénieur, travailler dans l’IT à Bangalore ou monter sa start-up. Alors l’écologie, le bien manger, le mode de vie minimaliste, parmi les jeunes indiens c’est une vision compliquée à trouver. Heureusement, j’ai rencontré les résistants ! Des jeunes diplômés qui se rendent compte que pour survivre, il va falloir savoir planter.

Jagadeesh (à gauche) et Gowtham (à droite) sont ingénieurs diplômés. Pourtant, ils ont décidé de prendre le chemin de l’agriculture, Erode, Tamil Nadu

Dans un pays où la pollution pique la gorge jusque dans les campagnes, où le plastique flotte dans tous les points d’eau, où l’on ne sait plus prévoir la mousson et où les catastrophes industrielles s’enchaînent, le point de non-retour écologique est facile à observer. A l’indienne, on attend que la situation se dénoue d’elle-même et on cultive son propre jardin, intérieur et extérieur ! En Inde, quasiment toutes les familles ont un lien avec la terre, des proches agriculteurs, ou des terrains. Si tant est qu’on se soit formé aux techniques agroécologiques, il est donc aisé de retourner à la terre… en faisant abstraction du regard des autres.

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Les élèves du collège de Edyankaattu Valayasu apprennent à planter, Erode, Tamil Nadu

Je quitte l’Inde avec un livre de recettes à base de millet, un autre sur les principes de base de la méditation, Vachinde dans les oreilles en espérant que dans l’avion retour il y aura un bon Bollywood… Indian fever ? Je crois.

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Coucher de soleil, Kovalam Beach, Kerala


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