Au détour d’une rue Saint-Louisienne, au Sénégal, je découvre le Musée de la Photographie de Saint Louis. En ce moment, y est exposée une série photo de Laeïla Adjovi et Loïc Hoquet, accompagné d’un poème de Laeïla Adjovi qui a retenu mon attention, et que je vous partage ici. Je l’accompagne d’une photo que j’ai prise sur le ferry Aline Sitoé Diatta, qui rallie Ziguinchor à Dakar.
Malaïka Dotou Sankofa
Mon nom est Malaïka Dotou Sankofa.
J’ignore depuis quand je suis bloquée ici.
On m’a dit que que c’était pour mon bien.
De ne pas tenter de m’échapper.
Que les cieux seraient terribles,
tempête, orage et nuit.
Alors je suis restée.
Mais depuis quelques temps,
je m’autorise à rêver.
Mon nom est Malaïka.
Je n’ai pas de nombril,
je suis mon propre centre,
je ne cherche pas à être celui du monde.
On me demande d’évoluer, de me développer.
Décollage. Emergence. Croissance.
Le tout sans sortir du cadre.
Chaque jour mâchonner des concepts vides,
avec banania, pastèque et poulet grillé.
Du coup, j’ai entamé une grève de la faim.
Dans mon ventre vide, c’est la révolution que j’entends gargouiller.
Mon nom est Dotou.
Ce vieux costume terne,
c’est le seul que j’ai le droit de porter.
Le seul uniforme
impossible à refuter.
Heureusement, les coutures craquent.
La déchirure est proche.
J’ai appris à coudre.
Je n’ai plus peur de devoir rapiécer.
Mon nom est Sankofa.
Je ne suis plus aphone,
je ne suis plus illettrée.
En cachot,
en cachette,
j’ai su apprivoiser le verbe.
Je maîtrise les lettres,
mais je respecte l’oralité.
Je sais voir au travers les ratures des livres d’histoires.
Je connais les machines à écrire pleines de barbelés.
Désormais, plus personne ne pourra éteindre mes Lumières.
Je danserai à tire-d’aile dans les ruines du monde d’hier,
sur les tombes des pillards et les cadavres de leurs clichés.
On m’appelle Malaïka Dotou Sankofa.

Pour découvrir l’incroyable travail de la photographe Laeïla Adjovi, rendez-vous sur son site : http://laeila-adjovi.com